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Si affirmer que l'économie canadienne repose sur la
richesse de son sol et de ses eaux tient du cliché, cette assertion
n'en est pas moins vraie. Des siècles durant, des immigrants sont venus
dans cette partie du Nouveau Monde, à la recherche d'une parcelle de
terre à cultiver ou d'un mouillage sûr pour leurs bateaux de pêche.
Les
premiers Européens à visiter les côtes canadiennes - les Vikings norvégiens,
au XIe siècle - avaient à l'esprit non pas la conquête mais bien l'agriculture.
Les flottes de pêche de Grande-Bretagne et du pays de Galles ont suivi
peu après. Ils ont sillonné les eaux poissonneuses des Grands Bancs
afin d'assurer le repas du vendredi à l'Europe catholique. Des marins
basques ont établi des stations de dépeçage en ces lieux désormais connus
sous le nom de Terre-Neuve et de Nouvelle-Écosse. Selon la légende,
le grand explorateur John Cabot se serait fié aux cartes des pêcheurs
bretons lorsqu'il a navigué vers l'ouest, en 1497.
Au XVIIIe siècle, l'avènement de la Nouvelle-France
et de l'Amérique du Nord britannique a grossi le chargement des navires
européens, lesquels se sont mis à transporter les fourrures, le bois
et une longue liste de produits exportés des colonies. Les immigrants
ne cessaient d'arriver, poussant toujours plus à l'ouest vers la colonie
Selkirk, puis au cœur des Prairies, abattant des arbres et plongeant
leurs charrues dans la terre riche tout au long du chemin.
Le
Canada est aujourd'hui l'un des plus importants exportateurs de blé
et de maïs du monde, même si moins de 5 % de la main-d'œuvre nationale
travaille dans le secteur de l'agriculture. Il semble curieux de constater
que, à l'ère de la réalité virtuelle, du clonage et des voyages dans
l'espace, les occupations traditionnelles sur lesquelles le Canada a
été fondé comptent toujours pour une part importante de l'économie.
À l'aube du XXIe siècle, les secteurs de l'agriculture,
de la pêche et de la foresterie sont toutefois beaucoup moins traditionnels
qu'on ne pourrait imaginer. Nous avons parcouru un long chemin depuis
l'époque où les petites fermes familiales étaient transmises de père
en fils sans la moindre possibilité d'éducation. De nos jours, l'agriculture
repose sur la technologie de pointe, comme tout le reste d'ailleurs.
Les ordinateurs font partie de l'équipement standard des fermes, au
même titre que les tracteurs et les multiculteurs. La connais-sance
et la compréhension des plus récents progrès en génétique et en bioscience
sont essentielles pour exploiter avec succès une opération agricole.
Avec la population sans cesse croissante à nourrir
et les ressources naturelles épuisées à protéger, les agriculteurs ont
abandonné les vieilles traditions en faveur de la science exacte. L'agriculture
s'adresse désormais à l'élite des spécialistes. La culture agricole
actuelle repose entièrement sur l'étude des sols, la botanique et la
recherche sur les effets environnementaux. L'élevage est beaucoup plus
une question de science vétérinaire et de génétique que de garde et
de pâturage. Les techniciens et les technologues spécialisés en soins
des animaux, en agriculture et en bioscience jouent un rôle fondamental
dans ces secteurs.
La révolution en agrobiologie a engendré le besoin
de nouvelles techniques et de techniciens spécialisés capables de faire
pousser les cultures de manière naturelle. Les autres types d'agriculture
reposent cependant eux aussi sur la technologie de pointe. Dans l'industrie
laitière, par exemple, la production du lait a été informatisée, de
sorte que chaque vache est surveillée individuellement tout au long
du processus de production et de distribution. Il n'y a aucune limite
aux progrès de la technologie agricole (un chercheur danois a même conçu
un simulateur de fromage!) et les carrières en agriculture sont tout
aussi illimitées.
Avec
la diminution des stocks de poissons depuis les quelques dernières décennies,
l'industrie piscicole a un besoin de plus en plus marqué de techniciens
et de technologues hautement qualifiés. Ce secteur a dû trouver des
moyens de se contenter de moins pour faire plus, ou de maximiser les
ressources sans amoindrir encore les populations de poissons. Malgré
une récente diminution de sa main-d'œuvre, ou peut-être à cause d'elle,
l'industrie de la pêche a donné priorité à l'embauche de spécialistes
hautement qualifiés en biologie, en technologie et en gestion des ressources.
La crise de l'industrie de la pêche a également engendré
une révolution en aquaculture, l'élevage contrôlé des poissons. Selon
les prévisions, ce secteur devrait croître de 220 millions de dollars
en 1992 à un milliard de dollars en 2001, et ceci, pour une excellente
raison. Nous avons commencé à comprendre que la nature ne constitue
pas une ressource illimitée. L'aquaculture est une solution technique
en vue d'un développement viable, et cette industrie a besoin de spécialistes
dans de nombreux champs d'expertise, ceux-ci allant de la biologie et
de la génétique à la gestion des ressources.
L'industrie forestière vit une révolution comparable. Les anciennes
méthodes de coupe à blanc mettent tout simplement les forêts en péril,
de même que la nappe phréatique et l'environnement en général. Si la
demande de bois n'a jamais été aussi forte, nos forêts, elles, n'ont
jamais été aussi menacées. Le besoin de spécialistes qualifiés, capables
d'assurer la protection des forêts canadiennes et de maintenir de façon
durable cette ressource naturelle, n'a donc jamais été si grand. Il
y a beaucoup moins de travailleurs forestiers aujourd'hui qu'il n'y
en avait des décennies plus tôt, mais la main-d'œuvre travaillant actuellement
dans ce secteur est constituée de techniciens et de technologues hautement
spécialisés dans la culture viable, la protection et l'utilisation récréative
des vastes forêts du Canada. Les techniciens et technologues en foresterie
se servent de nouvelles méthodes avant-gardistes pour prélever les richesses
de la forêt.
Le Canada a été fondé par des femmes et des hommes qui ont noué des
liens particuliers avec le sol et la mer. Bien que nos méthodes agricoles
aient énormément changé en quatre siècles, cette relation bien spéciale
demeure.

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